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Bassin Adour-Garonne

Interview André Viola

#130

A l'occasion de la journée mondiale de l'eau, André VIOLA, Président de la Commission relations internationales du comité de bassin Adour-Garonne et Président de la Communauté de communes Piège, Lauragais, Malepère répond à nos questions. 

L’eau pour la paix, c’est la thématique retenue dans le cadre de la journée mondiale de l’eau. Pourquoi ce choix thématique ?

Cette Journée mondiale de l'eau comme d'autres est faite pour attirer l’attention sur le sujet. Et on constate que les enjeux de l’eau occupent, depuis quelques temps, une place grandissante dans l’agenda international. 

En 2023, s’est tenue pour la première fois depuis 1977, une conférence des Nations Unies dédiée à l’eau. Un événement d’ampleur qui se voulait un jalon dans la réalisation des objectifs de la décennie d’action sur l’eau et le développement durable (2018-2028).

Et 2024, d’autres rendez-vous sont très attendus. On peut citer le forum mondial de l’eau qui se tiendra à Bali du 18 au 24 mai et l’Assemblée générale du réseau international des organismes de bassin (RIOB), à Bordeaux du 7 au 10 Octobre. 

La gestion de l'eau est donc un sujet qui progresse dans les échanges internationaux.

Sur la thématique annuelle : “l’eau pour la paix”, je tiens à souligner, et c’est un peu contre intuitif, qu’il y a eu très peu de guerre de l’eau et a contrario, un nombre important de partenariats pour son partage. Mais, sans en arriver à déclencher des guerres armées, l’accès à l’eau suscite des conflits régionaux, des conflits d'usage qui vont encore s’intensifier sous les effets du changement climatique. 

Pour rendre accessible à tous, partout dans le monde, une eau potable de qualité, et atteindre ainsi les objectifs de développement durable de la feuille de route Onusienne, l’Agenda 2030, les défis sont nombreux. Il nous faut faire face à sa raréfaction, et apprendre à mieux la protéger et à l’économiser. Le prix de l’eau, ou plutôt son coût doit être reconnu et accepté. Localement, le partage de l’eau nécessite de construire des partenariats renforcés à l’échelle des bassins transfrontaliers. 

L’eau pour la paix est un élément essentiel car il n’y a pas de développement possible sans eau et, à l’international, sans solidarité, on ne trouvera pas de solutions...

Justement sur ce sujet “eau et développement”, quels échos, quelle reconnaissance pour l’action des agences de l’eau à l’international ?

La France est un pays reconnu sur le plan international dans la coopération entre états mais aussi, et surtout, au niveau des coopérations de collectivité à collectivité, ce que l'on appelle la coopération décentralisée.

L’eau et l'éducation en sont les principales thématiques. Mais si l’eau fait partie des sujets prioritaires traités en matière de coopération, c’est aussi grâce au dispositif de la loi « Oudin-Santini ».

La loi a instauré, depuis 2005, un cadre à la coopération internationale des collectivités territoriales an matière d’accès à l’eau et d’assainissement, avec l’appui des agences de l’eau. Elle leur permet de consacrer jusqu’à 1% de leurs ressources “eau” pour mener à bien des actions de solidarité à l’international.

Le sujet se situe à la croisée de l'expérience française sur la coopération décentralisée et de son expertise, mondialement reconnue sur la gestion de l'eau. 

Cela a créé un effet levier et une capacité à porter des projets conséquents de développement pour l’accès à l’eau potable et de l’assainissement à l’étranger. 
Par ailleurs cela a contribué à la diffusion de la culture de la gestion de l’eau à la française, avec des collectivités qui ont pu transmettre leurs savoir-faire en matière de gestion territoriale intégrée de l’eau. 

Tout cela fait de l’eau, l'un des domaines si ce n'est le domaine, le mieux accompagné, par la France, à l'international.

Quel bilan peut-on dresser aujourd’hui dans la mise en œuvre de l’objectif de développement durable ODD6 au niveau mondial ?

Sur cet objectif qui prévoit de garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et d’assurer une gestion durable des ressources en eau, on est encore loin du compte.

On l’a vu lors de la conférence des nations unies l’an dernier, plus de 2 milliards de personnes n'ont pas accès à une eau de qualité, et parmi elles, certaines n'ont pas du tout d'accès à l'eau.

Des populations à l'international, mais aussi en France, n'ont pas encore accès à l'eau tous les jours. Je pense notamment aux difficultés Outre-mer à Mayotte. 
Il faut que tout le monde se mobilise : particuliers, institutions locales, nationales et internationales. Cet appel à la mobilisation est un peu à l’origine de mon dernier ouvrage.[1]. Dans cet effort collectif, les collectivités territoriales et les agences de l'eau ont un rôle majeur à jouer parce qu'elles détiennent une expertise essentielle.

Les agences de l'eau ont 60 ans. Leur modèle est regardé partout dans le monde. Ces parlements de l’eau qui se prononcent sur la gestion de l’eau à l’échelle du bassin hydrographique sont une bonne solution pour mettre tout le monde autour de la table et travailler à une gestion durable de l’eau. 


 

[1] "L’eau pour tous, tous pour l’eau», Plaidoyer pour garantir un accès universel à l’eau potable, André Viola, Edition L’Harmattan – Février 2024